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PARIS — Les députés ont adopté mardi à une large majorité une déclaration du gouvernement qualifiant de “pas acceptable” l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur, “tel que la Commission européenne l’envisagerait”.
Au total, la proposition de l’exécutif a reçu 484 voix pour et 70 contre. Bien que ce vote soit purement symbolique, il envoie un message clair du fort rejet de la France de cet accord de libre-échange, qui créerait un marché commun de 800 millions de personnes représentant 15% de l’économie mondiale. Et il intervient alors qu’un nombre croissant de parlementaires et de dirigeants européens s’opposent au deal, principalement pour des raisons liées à l’agriculture.
“Ne jetez pas l’allumette dans le baril de poudre, car le souffle d’une telle détonation parcourrait tout le continent jusqu’à Bruxelles et creuserait une fracture béante entre le Berlaymont et nos campagnes”, a déclaré Annie Genevard, ministre de l’Agriculture, dans l’hémicycle.
L’accord UE-Mercosur est fortement contesté par les agriculteurs européens. Ils craignent de voir le Vieux Continent inondé de produits sud-américains bon marché et sans doute de moindre qualité, comme le bœuf brésilien, ce qui les conduirait, selon eux, à mettre la clé sous la porte.
En France, ils ont entamé des manifestations la semaine dernière. La FNSEA a prévenu mardi que le mouvement se poursuivrait cette semaine, tandis que des tracteurs de la Coordination rurale sont apparus dans les rues près du Parlement européen à Strasbourg.
La France est l’opposante la plus virulente à cet accord de libre-échange avec cinq pays d’Amérique du Sud. Ses efforts pour trouver des alliés, sensibles eux aussi aux enjeux agricoles, semblent porter leurs fruits. Mardi, la Pologne s’est prononcée contre le texte, portant un sérieux coup politique à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. L’Allemande espérait lancer son second mandat en scellant ce deal, en négociations depuis vingt-cinq ans.
Le Premier ministre polonais Donald Tusk, s’exprimant lors d’une réunion gouvernementale mardi, a fait savoir son opposition au volet agricole de l’accord avec le Mercosur. Et, utilisant un langage similaire à celui d’Emmanuel Macron dans sa campagne acharnée pour bloquer le deal, Donald Tusk a déclaré : “La Pologne n’acceptera pas l’accord de libre-échange avec les pays d’Amérique du Sud, c’est-à-dire le bloc Mercosur, sous cette forme.”
Toutefois, il est encore loin d’être certain que Paris soit en mesure de rassembler suffisamment de soutiens.
Seules l’Autriche, la France et l’Irlande s’étaient prononcées contre avant mardi et, même avec le ralliement de la Pologne, les opposants n’ont toujours pas atteint la minorité qualifiée de 35% de la population de l’Union européenne dont ils auraient besoin pour bloquer l’accord.
Le vote français est intervenu alors que les négociateurs européens et sud-américains ont entamé à Brasilia mardi un cycle de pourparlers présenté comme décisif. A Bruxelles, on espérait conclure un accord final lors d’un sommet du Mercosur au début du mois de décembre.
Dans ses efforts pour aboutir, Ursula von der Leyen est appuyée par son pays d’origine. Il faut dire que l’industrie automobile allemande, touchée par la crise, a grand besoin de nouveaux marchés d’exportation. Toutefois, depuis que Berlin et dix autres gouvernements ont signé une lettre cet été exhortant l’Union européenne à conclure les négociations — sous peine de perdre le marché latino-américain au profit de la Chine —, elle n’a pas réussi à obtenir davantage de soutiens.
Aujourd’hui, alors qu’un certain nombre de ministres de l’Agriculture de l’UE font pression sur leur gouvernement pour bloquer l’accord, il suffirait que l’Italie, ou quelques autres petits pays, passent dans le camp de l’opposition pour qu’il soit à nouveau paralysé.
La France a tenté de convaincre l’Italie de se joindre à elle, mais la position de Rome n’est pas claire. D’un côté, le ministre des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a déclaré qu’il soutenait le deal, mais qu’il voulait s’assurer qu’il ne nuirait pas aux intérêts des agriculteurs italiens. De l’autre, son collègue à l’Agriculture, Francesco Lollobrigida, s’est dit opposé à la version actuelle du texte.
Le Premier ministre Michel Barnier se rendra à Rome le mois prochain et devrait discuter de l’accord de libre-échange avec son homologue Giorgia Meloni.
Camille Gijs, Wojciech Kość et Douglas Busvine ont contribué à cet article.
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.